The Ex

Punk hybride en avance, world musique attachée à décoloniser les esprits, réappropriation folk, éclectisme électrifié : toujours cité en référence par des groupes aussi fondamentaux que Shellac, Fugazi ou Sonic Youth, The Ex après avoir fêté l’année dernière sa 25e année de tension frénétique, réédite comme promis les titres introuvables qui avaient paru sur les singles des années 1980 à 1990 !

C’est un des plus fameux posters de THE EX, on pouvait le trouver dans la pochette du disque Gonna Rob The Spermbank, détournant un slogan alors affiché par toutes les majors en lutte contre leur fléau du moment, la copie cassette sur la chaîne du salon : “La copie domestique tue l’industrie du disque... et il était temps”.

Eh bien THE EX, il était temps pour vous aussi de ressortir vos propres singles. De recopier votre propre fonds. Car ils avaient disparu, ces singles, ils s’étaient fait rares, ils s’étaient fait collectors... Il était devenu impossible de pouvoir écouter ces titres – certains auréolés d’une petite aura de mythe – sans se ruiner en déboursant tous ses florins... oups pardon ... euros.

Fidèles à leur tradition, ce sont les membres du groupe eux-mêmes qui ont préparé la compilation, ont choisi les morceaux, les ont commentés et ont enrichi le livret du CD d’une riche iconographie.

THE EX ont donc nettoyé 24 titres de leur couche de poussière noble, balayant la décennie 1980-1990. Soit autant d’enregistrements que l’on pouvait penser définitivement épuisés, oubliés, ou dont la manipulation des supports semblait réservée à quelques happy few collectionneurs.

Le 45 tours, ou sept pouces, ou 7” (soit seven inches, selon l’équivalent impérial des 17 centimètres du système métrique républicain), difficile de trouver un format plus adapté à la spontanéité et aux collaborations ponctuelles, marque de fabrique des créatifs THE EX.

Ex. Un nom d’une seule syllabe, sifflant comme une balle. Un nom de groupe choisi le plus court possible, pour pouvoir être graffité à la hâte sur les murs de la ville. 

L’acte de naissance du groupe est quasiment un pari, un défi de copains lancé un soir de début 1979, dans les murs mythiques de la salle Paradiso d’Amsterdam, après un concert punk. “Tout le monde fondait un groupe, alors pourquoi pas nous ?” Ne restait plus qu’à acheter des instruments et apprendre à en jouer, la question de savoir “qui joue de quoi” ayant été réglée en tirant à la courte paille !

The Ex répète pour la première fois en juin 1979. En août, ils donnent leur premier concert. Dix autres concerts suivent avant que l’année ne s’achève. The Ex décide de sortir son premier single. Ils prennent contact avec Dolf du groupe anar Door Mekaar, qui vient d’ouvrir son propre studio 4 pistes dans un squat rural des environs d’Amsterdam, pour enregistrer leurs tout premiers titres. Dolf et le groupe ne cesseront alors de collaborer.

Le EP All Corpses Smell The Same, pressé à 550 exemplaires (et tous vendus !), sort sur Hé Records, le propre label du groupe, en juin 1980. Ce sont bien sûr ces quatre titres que l’on retrouve en ouverture du CD anthologique.

Le chanteur GW Sok a beau être batave, son accent est cockney, tant il est influencé à l’époque par le punk rock anglais ! La thématique anarcho-punk est souvent romantique et exaltée : appel aux barricades, lutte anti-fasciste, manifs, Big Brother à tous les coins de rue, voire appel à la guerrilla sur le single de soutien Weapons For El Salvador, paru avec le n°19 du magazine anarchiste Gramschap.

Les premiers pas sont DIY, bien sûr, et le son est aux antipodes du punk surproduit des robinets à clips façon MTV aujourd’hui – ainsi les titres enregistrés dans une cave de Rotterdam sur le magnétophone deux pistes du batteur Wim, que l’on retrouve sur la compilation UTREGPUNX (Rock Against Records 7”) ou sur le flexi 7’’ New Horizons In The Retailing, offert avec chaque numéro du fanzine punk Raket n°12.

Autre flexi : la compilation pro-squat Villa Zuid Moet Blijven, sorti dans la continuité du premier album, distribué aux habitants de la petite ville de Wormer. Soit un disque en plastique souple, à écouter sur sa platine après l’avoir posé sur un 45 tours de vinyle épais et lesté à l’aide d’une grosse pièce de monnaie ! On respire de disposer maintenant d’une réédition digne de ce nom.

Un gros morceau : les 4 titres du 12 pouces Gonna Rob The Spermbank, bandes de rab après la session d’enregistrement de l’album Tumult (1983), et réunis sur format maxi. C’est précisément ce disque qui fut cité par Steve Albini en réponse à la question “quels disques emporteriez-vous sur une île déserte ?”. Albini aura plus tard l’occasion de prouver sa ferveur à l’endroit du groupe. Les membres de The Ex se plaisent notamment à raconter avec quel enthousiasme quasi-fanatique l’ex-Big Black les aida à installer leur matos sur la scène du CBGB à New York !

Le CD a bien d’autres secrets à dévoiler, comme la face du split avec Alerta enregistré pendant la tournée en Angleterre de 1983 ou le split avec les Kurdes exilés d’Irak Awara (autre disque offert avec le magazine Gramschap – numéro spécial Kurdistan). Sur le morceau “Enough is Enough” on peut entendre un violon joué par un musicien kurde sur une rythmique caractéristique de la Ex-Music, avec un fond de larsens de guitare et de basse vrombissante. Ce sont les débuts de la world music façon The Ex !

Le Rara Rap fut un single de soutien au groupe d’action directe anti-apartheid Rara. Un titre hautement politisé, avec en guise de chant un mixage d’une déclaration d’un porte-parole de la police hollandaise et d’un discours virulent contre le racisme comme source de terrorisme d’Etat. À la surprise du groupe, ce titre devait bénéficier d’une diffusion sur les ondes nationales aux Pays-Bas.

Lied Der Steinklopfer / Stonestampers Song était aussi l’objet de toutes les recherches des fans de The Ex : une savoureuse double interprétation d’un morceau allemand que les Ex avaient partagée avec leurs complices de Dog Faced Hermans, façon punk rock noise d’un côté / cabaret de la République de Weimar de l’autre.

Singles. Period s’achève avec la reprise des Mekons sur le split EP paru sur Clawfist en décembre 1990, juste dans les temps pour clore la décennie.

Autant affirmer sans risque de se tromper que celui qui aime THE EX sera comblé.

Il ne reste plus qu’à attendre la réédition de la série de singles parus le long de l’année 1991. Les abonnés recevaient un nouveau single tous les deux mois, agrémenté des pamphlets et posters habituels, chaque single étant l’occasion d’une collaboration artistique. Ce nouveau CD anthologique est à l’étude sous l’appellation A Series Of 6.

Ce CD de réédition est comme une nouvelle porte qui s’ouvre dans un vieux squat qui serait resté muré trop longtemps. Une nouvelle porte d’entrée dans l’univers singulier du groupe THE EX. Un groupe pour qui la musique semble être la chose la plus importante du monde, et qui persiste à en jouer de la manière la plus ludique qui soit.

Guillaume Gwardeath

Turn

par The Ex

SORTIE: 14/09/2004

The Ex : 25 ans de carrière underground, presque autant de disques, des millions de kilomètres parcourus. The Ex : une musique à part, la “Ex-Music”, melting-pot improbable d’engagement punk, de folie noise, d’improvisation jazz et de sensibilité ethnique qui a pu influencer autant Fugazi que Sonic Youth ou Shellac... c’est d’ailleurs encore une fois Steve Albini qui s’est collé à la production de “Turn”.

CD Double album 12 titres

1. Listen To The Painters The Ex 4:13
2. Prism Song The Ex 5:52
3. Dog Tree The Ex 6:28
4. Getatchew The Ex 5:05
5. The Pie The Ex 8:47
6. 3:45 AM The Ex 5:26
7. IP Man The Ex 8:27
8. Theme From Konono The Ex 8:25
9. Huriyet The Ex 5:12
10. Sister The Ex 6:25
11. Confusion Errorist The Ex 4:50
12. The Idunno Law The Ex 5:11
13. Henry K The Ex 5:00
14. In The Event The Ex 7:43
Turn
par The Ex
Dizzy Spells
par The Ex