Chokebore

Le tempétueux quatuor américain s’offre une cure de jouvence sur la réédition de Black Black, quatrième album de rock intense.

Vicious Circle poursuit ses rééditions de l’envoûtante carrière de Chokebore avec Black Black, publié en 1998. Pilier de la scène rock underground américaine dès le début des années 1990, le groupe s’est alors largement exporté de son QG d’Honolulu, assurant des premières parties de Nirvana à la demande expresse de Kurt Cobain (qui a offert à Troy Von Balthazar la Fender Telecaster noire qui ne l’a jamais quittée depuis) et trouvant une forte résonance chez le public européen.

La bande hawaïenne parvient à surfer sur ce succès sans jamais renoncer à son intégrité, à sa vision d’un rock foudroyant et mélancolique. Au beau milieu d’un incessant cycle de tournées, le chanteur et guitariste Troy Von Balthazar, les frères Kroll (James à la basse, Jonathan à la guitare) et le batteur Mike Featherson s’offrent une courte pause pour partir enregistrer dans la campagne du Maine-et-Loire, au mythique studio Black Box, où ils avaient déjà façonné leur album précédent, le monumental A Taste for Bitters (1996), avec le même fidèle collaborateur, Peter Deimel, pour coproduire avec eux ces morceaux. Une étiquette, sur les bandes d’origine qui ont servi à remasteriser cette réédition, donne une vague indication temporelle : début 1998. 
 
"Tout avançait très vite pour nous à cette époque, se souvient aujourd’hui Troy Von Balthazar. On était en permanence en tournée, immergés à 100 % dans notre musique. Je me rappelle qu’on avait très envie d’expérimenter en studio. On gardait l’esprit ouvert pour trouver de nouvelles sonorités. Sur un mur derrière le studio, on faisait rebondir une balle de tennis, en lançant des idées et des titres de chansons potentiels à la volée, avant de retourner à nos instruments pour tester tout ça. On était très influencés par l’énergie de nos concerts. C’était une période palpitante."
 
Le résultat l’est aussi, constitué de douze chansons composées à cœur ouvert, entre éclairs fulgurants (Distress Signals, sur laquelle joue leur futur batteur Christian Omar Madrigal Izzo, ou Never Feel Sorry Again), orages électriques qui grondent (Speed of Sound, Lives like Satellites) et accalmies au spleen lancinant (Valentine et son sang d’encre sublime). Black Black, comme deux fois plus de ténèbres ? Pas si sûr, le titre provenant simplement d’une marque de chewing-gum découverte par Troy quand le quatuor a joué au Japon. Plusieurs morceaux explosifs et lumineux sont devenus par la suite des classiques des concerts de Chokebore, notamment You Are the Sunshine of My Life, The Perfect Date et Alaska. La conclusion, Where Is the Assassin?, que le chanteur a enregistrée seul au piano à Los Angeles, ouvre la voie vers un style plus recueilli et délicat qui est perceptible sur certains chapitres suivants de leur discographie, ainsi que sur les œuvres solo de Troy Von Balthazar – son prochain album en solitaire est justement prévu pour le printemps 2025.